France / Suicide des adolescents : malgré la baisse des décès, les pensées suicidaires progressent

La rédaction avec
12:5519/12/2025, Cuma
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Entre 2019 et 2021, les tentatives ont augmenté de 30 % chez les 11-17 ans, d’après l’Observatoire national du suicide.
Crédit Photo : Grok / X
Entre 2019 et 2021, les tentatives ont augmenté de 30 % chez les 11-17 ans, d’après l’Observatoire national du suicide.

Si le nombre de suicides chez les adolescents est globalement orienté à la baisse depuis une dizaine d’années, les pensées suicidaires et les tentatives augmentent nettement en France.

Cette évolution, moins visible que les décès, constitue aujourd’hui le principal motif d’inquiétude des professionnels de santé mentale.


Dans un entretien accordé à Anaolu, le pédopsychiatre Marc Fillatre, ancien président de l’Union nationale pour la prévention du suicide (UNPS), insiste sur la nécessité de changer de grille de lecture.

"Ce n’est jamais uniquement un problème personnel"
, explique-t-il, soulignant que les passages à l’acte chez les jeunes s’inscrivent presque toujours dans un contexte relationnel, familial ou social fragilisé.


Hausse des idées suicidaires


Cette analyse rejoint les constats dressés par les pouvoirs publics. Selon l’étude EnCLASS 2022 de Santé publique France, près d’un lycéen sur dix a déjà fait une tentative de suicide au cours de sa vie.
Entre 2019 et 2021, les tentatives ont augmenté de 30 % chez les 11-17 ans, d’après l’Observatoire national du suicide.

Le Service d’information du Gouvernement souligne que cette hausse concerne en particulier les idées suicidaires, souvent silencieuses mais déterminantes dans le risque de passage à l’acte.


Pour Marc Fillatre, deux mécanismes psychiques dominent. Le premier est le sentiment de ne plus appartenir à un groupe. Le second est la conviction que la situation vécue ne pourra jamais s’améliorer.
"Ce qui compte d’abord, c’est ce que la personne ressent en elle-même, au-delà des apparences"
, explique-t-il. Un adolescent peut sembler entouré et pourtant se vivre comme inutile ou indésirable.

Le pédopsychiatre pointe également les effets délétères de l’évolution des sociétés contemporaines.
"Le développement de l’individualisme, où la réussite personnelle prime sur toute chose, est absolument dommageable pour la prévention du suicide"
, observe-t-il. À l’inverse, il rappelle que dans certaines périodes de crise collective, les taux de suicide diminuent temporairement, le sentiment d’être relié aux autres jouant alors un rôle protecteur.

L’adolescence constitue un moment de vulnérabilité spécifique. Les repères identitaires sont encore fragiles et les
"champs d’appartenance
parfois limités. Marc Fillatre insiste sur l’importance d’en multiplier les sources : famille, amis, école, activités sportives ou culturelles.


Changements durables de comportement


"Quand ces appartenances sont peu nombreuses, la rupture d’un seul lien peut suffire à faire basculer"
, souligne-t-il.

Sur le terrain de la prévention, le spécialiste invite à être attentif aux changements durables de comportement : retrait progressif, désinvestissement des activités, perte d’intérêt pour les relations, dévalorisation de soi.
"On sent un changement par rapport à d’habitude"
, explique-t-il, estimant qu’il ne faut pas hésiter à exprimer son inquiétude, même sans solution immédiate. Pour lui, le silence constitue un risque bien plus grand que la parole.

Il rappelle également le rôle aggravant de certaines consommations. L’alcool, les drogues ou certains médicaments peuvent à la fois renforcer les états dépressifs et lever les inhibitions, facilitant un passage à l’acte qui ne se serait pas produit autrement.


S’il reconnaît les avancées des politiques publiques, notamment la formation à la détection du risque suicidaire et la mise en place du 3114, numéro national de prévention du suicide, Marc Fillatre estime que l’approche reste trop centrée sur l’individu.

"Une tentative de suicide n’est en général pas une question personnelle"
, affirme-t-il, plaidant pour un accompagnement systématique des familles et, plus largement, pour une réponse collective à une souffrance collective.

Le suicide des adolescents reste une réalité alarmante en France, avec environ 400 morts chaque année.


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