“L’affrontement” Trump-Biden

La performance du président Biden face à Trump lors du premier débat avant les élections de novembre pourrait changer la donne. La campagne de Trump, qui a réussi à créer des doutes sur l'âge, la conscience et la vigueur de Biden, a également essayé de créer un débat sur le format et l'impartialité du débat qui se tiendra sur CNN. En cas de bonne performance de Biden, le camp Trump utilisera comme excuse le fait que le débat aura lieu sur CNN, qui est aligné sur les Démocrates, et en cas de lapsus ou de gel mental de Biden, ils prévoient de l'utiliser au maximum. Il ne sera pas surprenant que le style politique classique de Trump, qui parvient à déclarer la victoire quel que soit le résultat, se poursuive. La bonne performance de Biden ne mettra pas fin à la campagne de Trump, mais s'il y a des doutes sur la vigueur mentale de Biden, il sera beaucoup plus difficile pour sa campagne de s'en remettre.

BIDEN SUR LA DÉFENSIVE

Le fait que le soutien à Biden soit à son plus bas niveau depuis un certain temps et que Trump semble avoir une avance d'un ou deux points dans les "swing states", bien que dans la marge d'erreur, était important pour la campagne de Biden d'accepter ce débat si tôt. C'est une première que d'organiser ce débat alors que le candidat des deux partis n'a pas encore été officiellement désigné. La campagne Biden est consciente de l'insatisfaction des candidats et du mécontentement des démocrates et calcule qu'une bonne performance lors du débat renforcera le soutien au président lors de la convention du parti. En outre, elle vise également à surmonter la démoralisation des démocrates causée par les informations des médias selon lesquelles Trump est en tête et à assurer une cohésion précoce autour de Biden. Ils estiment qu'une éventuelle mauvaise performance de Biden peut être oubliée avec les débats de l'automne.

Au-delà de la question de la vigueur mentale de Biden, qui est le plus grand avantage de Trump avant le débat, sa supériorité discursive sur des questions telles que l'inflation et la crise frontalière jouera en sa faveur. Trump, qui rappellera les conditions économiques de son mandat avant la pandémie, a fait plaisir au monde des affaires en accordant des réductions d'impôts aux grandes entreprises sous le nom de réforme fiscale. Après Trump, qui a forcé de nombreuses entreprises à investir aux Etats-Unis en exerçant une pression économique sur la Chine, Biden a limité la lutte économique avec la Chine au domaine des technologies de pointe en se concentrant sur quelques secteurs critiques. On s'attend à ce que cette question ne soit pas vraiment à l'ordre du jour en raison du chevauchement de leurs politiques en matière de lutte économique contre la Chine. Toutefois, Biden pourrait tenter d'envoyer un message populiste aux classes moyennes et inférieures en évoquant l'amnistie fiscale accordée par Trump aux grandes entreprises. Le risque serait que les grandes entreprises et les classes supérieures soient effrayées et poussées du côté de Trump.

En ce qui concerne l'économie, le plus grand désavantage de Biden est l'inflation, qui s'élève toujours à plus de trois pour cent. Le fait qu'il y ait eu une inflation cumulée de près de 20 % au cours des trois dernières années et demie affaiblit Biden, quelle que soit la qualité des indicateurs économiques. Le fait que l'impact économique de la pandémie, qui a coïncidé avec la dernière année de Trump, ait été davantage ressenti pendant la période Biden et que l'administration Biden ait provoqué l'inflation en annonçant des trillions de dollars de paquets de stimulation économique rend sa tâche difficile. Bien que les chiffres tels que l'emploi et le taux de croissance semblent sains, l'inflation élevée et la politique de taux d'intérêt élevés mise en œuvre par la Fed pour lutter contre l'inflation maintiennent le coût de la vie et du crédit à un niveau élevé pour les classes moyennes et inférieures. Face à Biden, qui doit payer la facture politique de cette situation, Trump peut mettre en avant la faible inflation et le coût du crédit quasi nul durant son mandat.

CRISE FRONTALIÈRE ET DEBATS SUR LA DICTATURE

Biden, qui a mené des politiques ouvrant la voie à un afflux important de réfugiés tout en essayant de renverser les politiques anti-immigrés de Trump, a tenté de limiter le coût politique de la crise frontalière en prenant des mesures se rapprochant de la ligne trumpiste sur cette question au cours des derniers mois. La seule défense de Biden dans la crise frontalière, dont Trump fera l'un des agendas les plus importants du débat en la définissant comme une "invasion", sera le refus des Républicains de faire une réforme en agissant avec lui. Il pourra évoquer le fait que Trump n'a pas joué un rôle constructif dans ce dossier, mais il ne lui sera pas facile d'expliquer son incapacité à contrôler de manière adéquate les passages à la frontière. Trump profitera du fait que les demandes d'asile, qui étaient inférieures à un demi-million par an pendant son mandat, sont passées à plus de deux millions pendant le mandat de Biden. La défense de Biden sur la crise frontalière et l'inflation élevée l'obligeront à contre-attaquer sur d'autres sujets.

On peut s'attendre à ce que Biden, qui évoquera les remarques sarcastiques de Trump selon lesquelles il peut suspendre la démocratie pendant une journée, souligne que son adversaire est un criminel condamné. Trump, qui a partiellement réussi à faire passer l'affaire des pots-de-vin pour une affaire politique, ne se contentera pas de jouer les victimes en affirmant que les procureurs et les juges démocrates le jugent, mais il mettra également à l'ordre du jour le fils de Biden, Hunter Biden. La campagne de Biden continuera à défendre la thèse selon laquelle Trump mènera le pays sur une voie antidémocratique, mais le fait que les problèmes économiques soient prioritaires aux yeux de l'opinion publique rend difficile la reconstruction d'une coalition anti-Trump. Il n'est pas certain que les accusations de Biden selon lesquelles Trump aspire à la dictature soient efficaces auprès des électeurs.

La performance de Joe Biden lors du discours sur l'état de l'Union au début de l'année a réussi à dissiper les inquiétudes concernant sa vigueur mentale pendant un certain temps, et il essaiera de faire de même lors du débat sur CNN. Toutefois, ces inquiétudes, qui avaient été dissipées, ont été ravivées par des vidéos montrant Biden figé devant des foules et lors de sommets internationaux. Biden doit donner une image physiquement et mentalement vigoureuse lors du débat avec Trump jeudi soir, faute de quoi les questions politiques risquent d'être complètement reléguées à l'arrière-plan. Les voix qui s'élèvent au sein du parti démocrate en faveur d'un autre candidat avant le congrès du parti pourraient soudainement se renforcer. Bien que Trump ait l'avantage d'arriver au débat avec une supériorité psychologique, il doit convaincre les électeurs indépendants en dehors de sa propre base, et pour cela, il devra apparaître plus raisonnable et plus modéré. Si la performance de Biden est trop bonne, Trump pourrait perdre sa discipline et se nuire à lui-même. Dans tous les cas, les deux campagnes auront une chance de réparer les dégâts puisqu'il reste suffisamment de temps avant les élections de novembre, mais la position plus critique de Biden dans les sondages augmente les attentes à son égard et, en même temps, le risque d'erreurs fatales.