Quand les jeunes des quartiers prennent leur destin en main

10:4318/12/2025, jeudi
MAJ: 18/12/2025, jeudi
Fatih Karakaya

Mardi 16 décembre, Fahad Raja Muhammad a organisé son premier grand rassemblement public après avoir annoncé sa candidature aux élections municipales de Strasbourg. Âgé de 20 ans, Fahad Raja Muhammad est étudiant en ingénierie informatique à Epitech Strasbourg. Originaire du quartier de Hautepierre, il se présente comme un "enfant de la ville", issu des réalités sociales qu’il entend aujourd’hui porter sur la scène politique locale. De l’engagement associatif à la scène politique strasbourgeoise

Mardi 16 décembre, Fahad Raja Muhammad a organisé son premier grand rassemblement public après avoir annoncé sa candidature aux élections municipales de Strasbourg.


Âgé de 20 ans, Fahad Raja Muhammad est étudiant en ingénierie informatique à Epitech Strasbourg. Originaire du quartier de Hautepierre, il se présente comme un
"enfant de la ville",
issu des réalités sociales qu’il entend aujourd’hui porter sur la scène politique locale.

Crédit Photo : Zekeriya Sahin /
Fahad Raja Muhammad, fondateur du Mouvement Populaire Indépendant (MPI), candidat aux élections municipales de 2026 à Strasbourg.


De l’engagement associatif à la scène politique strasbourgeoise


Il s’est d’abord fait connaître comme président de la section strasbourgeoise des Étudiants Musulmans de France (EMF). Son engagement a pris une dimension médiatique après son éviction d’un stage à l’Eurométropole de Strasbourg, consécutive à la publication d’une vidéo critique envers la municipalité écologiste. Dans la foulée, il fonde le
Mouvement Populaire Indépendant (MPI)
, un mouvement citoyen qui ambitionne de redonner la parole aux habitants et de
"reconstruire Strasbourg"
à partir des quartiers populaires où le taux d’absentéisme dépasse les 60% aux municipales.


Des propositions sociales réduites à une seule polémique


Fahad Raja Muhammad a défendu des positions assumées, notamment la mise en place d’horaires réservés aux femmes dans les bains municipaux de Strasbourg, au nom du respect des convictions religieuses. Une proposition qui a immédiatement suscité des accusations de
"séparatisme islamiste".

Cette focalisation a pourtant occulté d’autres propositions portées par le candidat, notamment sur l’amélioration des transports en commun, la propreté des quartiers et, plus largement, le quotidien des Strasbourgeois.


Pourtant, il est de notoriété publique que, dans plusieurs villes, des horaires sont réservés, explicitement ou implicitement, à des femmes de confession juive. Cela n’a jamais provoqué de polémique, ni même interrogé le débat public. Une fois encore, le deux poids deux mesures dénoncé par de nombreux musulmans s’illustre de manière flagrante.


Pour ces femmes, il n’y a rien de provocateur ni de défi à l’ordre républicain. Il s’agit simplement de vivre pleinement leur foi tout en étant intégrées à la société. On ne peut à la fois leur reprocher de rester "à la maison" et, dans le même temps, les empêcher de sortir dans des conditions compatibles avec leurs convictions.


Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes voix qui applaudissent l’émancipation des femmes iraniennes face aux
"griffes"
d’un régime oppressif, tout en défendant ces mêmes "griffes" lorsqu’il s’agit de restreindre les libertés des femmes musulmanes en France.

Municipales 2026: une candidature citoyenne hors partis


Après avoir constaté qu’il n’était pas possible de critiquer sereinement la gestion municipale, ni de trouver des réponses crédibles dans les partis traditionnels, Fahad Raja Muhammad a officiellement annoncé sa candidature aux élections municipales de 2026 à Strasbourg sous la bannière du MPI (Mouvement Populaire Indépendant). Son discours met en avant la reconstruction de la ville
"avec ceux qu’on met à l’écart"
, s’appuyant sur son ancrage local et son expérience associative.

À travers ses publications sur les réseaux sociaux, il présente le MPI comme un mouvement prônant un
"Strasbourg sans frontières"
, déterminé à bousculer les lignes politiques établies. Il mise sur une campagne de terrain et une démarche participative, notamment via des initiatives comme la Maison des Projets Innovants, un collectif d’habitants visant à
"réanimer les quartiers".

Issu d’une famille immigrée mais né en France, il maîtrise parfaitement les codes des réseaux sociaux et sa communication rappelle celle d’un responsable politique aguerri. Il se présente comme un candidat
"citoyen"
et incarne, pour ses soutiens, une alternative aux partis traditionnels.

L’islamophobie comme grille de lecture politique


Évidemment, son engagement contre le racisme, l’islamophobie et les discriminations fait de lui une cible idéale des fantasmes de l’extrême droite, mais aussi d’une partie de la droite dite républicaine et d’une frange sécuritaire de la gauche.


Dans un précédent article consacré à La France insoumise, j’expliquais que le vote musulman n’avait rien d’un vote monolithique, guidé par une idéologie ou piloté par des organisations. Pourtant, force est de constater que de plus en plus de citoyens de confession musulmane se sentent exclus pour des raisons idéologiques. Ils ne comprennent pas pourquoi leurs pratiques les plus élémentaires deviennent des éléments à charge servant à discriminer, discréditer et exclure.


Lorsque les musulmans restent en retrait, ils sont accusés de
"séparatisme
". Lorsqu’ils veulent s’engager, contribuer, investir ou participer pleinement à la vie collective, ils deviennent soudain des
"entristes".
Quoi qu’ils fassent, certains semblent avoir décidé d’exprimer leur hostilité sans retenue.

Le véritable risque de séparatisme en France


Cette suspicion permanente, cette volonté d’exclusion, peuvent pousser certains musulmans à quitter la France. Mais ne nous trompons pas: des millions resteront. En revanche, ils peuvent développer un rapport distancié, parfois douloureux, à la société, jusqu’à se replier symboliquement
"dans leurs grottes"
.

C’est là que réside le véritable risque de séparatisme. Il est temps d’arrêter de jouer avec les peurs, de cesser de généraliser les erreurs de quelques-uns à toute une population.


D'ailleurs, la conséquence direct de ce climat est très visible. Ainsi, les actes anti-musulmans ont augmenté de 75 % sur la période de janvier à mai 2025 par rapport à la même période en 2024, selon le ministère de l’Intérieur. En 2025, 79 actes ont été recensés rien que pour les trois premiers mois, contre 46 en 2024 et 54 en 2023.


De plus, un rapport publié début décembre par la Défenseure des droits démontre que 34% des musulmans ont fait l’objet de discriminations fondées sur la religion quand la moyenne toute confession confondue ne dépasse pas les 7%.


Alors, il est temps, enfin, de reconstruire une société apaisée, en paix avec elle-même et avec ses enfants.

Note : Pour suivre la campagne électoral de Fahad, vous pouvez visiter ses comptes sur les réseaux sociaux en
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