Le point qui reste en travers de la gorge de Trump…

09:359/12/2025, mardi
MAJ: 9/12/2025, mardi
Abdullah Muradoğlu

L’administration Trump a publié sa "Stratégie de sécurité nationale" . Ce document de 29 pages se distingue avant tout par le retour assumé à une forme de "Nouvelle Doctrine Monroe" propre à Trump, au point que nombre de commentateurs la désignent désormais comme la "Doctrine Donroe" . Formulée en 1823 par le président américain James Monroe, la doctrine originelle visait à s’opposer aux interventions européennes dans l’hémisphère occidental. Elle servit ensuite de justification aux interventions

L’administration Trump a publié sa
"Stratégie de sécurité nationale"
. Ce document de 29 pages se distingue avant tout par le retour assumé à une forme de
"Nouvelle Doctrine Monroe"
propre à Trump, au point que nombre de commentateurs la désignent désormais comme la
"Doctrine Donroe"
.

Formulée en 1823 par le président américain James Monroe, la doctrine originelle visait à s’opposer aux interventions européennes dans l’hémisphère occidental. Elle servit ensuite de justification aux interventions militaires américaines en Amérique latine. Dans la version marquée par Trump, la cible implicite devient plutôt l’influence chinoise dans la région.


Beaucoup d’analystes considèrent que ce texte relève moins d’une stratégie que d’une feuille de route politique. Le fait que les
"guerres culturelles"
— incluant les débats sur l’immigration et sur l’identité du
"Blanc américain"
— soient pour la première fois intégrées à un document de sécurité nationale est perçu comme un prolongement direct de la campagne politique de Trump.

Une stratégie façonnée par l’idéologie et les tensions identitaires


Cette grille de lecture est élargie dans le document, où la question migratoire en Europe est décrite comme une menace interne pouvant provoquer l’effondrement de la civilisation occidentale chrétienne. Le texte affirme que, si l’Europe ne met pas fin aux flux migratoires, les sociétés européennes
"blanches"
deviendront minoritaires en quelques décennies. Cette vision revient à offrir une légitimation intellectuelle à l’extrême droite européenne pour s’imposer dans l’espace politique.

Un autre élément qui dérange les
"globalistes"
et les néoconservateurs est le traitement réservé à la Russie et à la Chine. Le langage utilisé n’est pas idéologique mais présenté comme relevant de la
"concurrence économique".
Le fait que le Moyen-Orient soit relégué à un rôle secondaire dans la hiérarchie des priorités inquiète profondément Israël, le
"Lobby israélien"
, les néoconservateurs et les faucons pro-israéliens des deux partis américains.

Le document insiste sur la domination de l’approche
"America First"
dans tous les domaines. Cette position est vivement critiquée par les partisans de
"Israel First"
. L’article d’Eliot A. Cohen, publié le 5 décembre dans
"The Atlantic"
sous le titre
"La stratégie de sécurité de Trump est un bavardage incohérent",
constitue un éclairage révélateur sur les inquiétudes néoconservatrices.

Le prisme néoconservateur : inquiétudes, contradictions et obsessions interventionnistes


Eliot Cohen, figure majeure du néoconservatisme, affirme que la Stratégie de sécurité nationale est remplie d’exagérations, de flatteries, de mensonges et d’incohérences. Selon lui, ce texte semble être
"les paroles d’un somnambule qui divague entre des rêves fantasmés et des cauchemars moites, ouvrant une fenêtre sur des confrontations troublantes avec les réalités du monde"
. Il qualifie même le document d’
"état honteux"
. Pourtant, Cohen approuve un point : le recentrage de l’administration Trump sur l’hémisphère occidental.

Depuis le premier mandat de Trump, les néoconservateurs plaident pour un changement de régime au Venezuela par intervention militaire. John Bolton, alors conseiller à la sécurité nationale et néoconservateur influent, s’était même présenté à une réunion avec un dossier rempli de titres évoquant une intervention militaire au Venezuela. Trump, qui l’a ensuite limogé, déclara plus tard :
"Si j’avais écouté cet idiot, nous serions déjà dans la 5e guerre mondiale."

Lors du second mandat, la présence massive de forces américaines dans la mer des Caraïbes et les attaques contre des bateaux de pêche accusés de transporter de la drogue ont ranimé l’espoir néoconservateur d’un changement de régime au Venezuela. Pour de nombreux pays de la région, la position de Trump sur le Venezuela ressemble toutefois à une réédition des anciennes interventions militaires américaines.


Pour Cohen, la Stratégie de sécurité nationale de Trump souffre d’une absence fondamentale : elle ne propose pas de tableau cohérent des ennemis des États-Unis. Il rejette l’idée que la Chine serait simplement un
"concurrent commercial
" et que la Russie serait une
"puissance eurasiatique"
devant retrouver stabilité. Il s’insurge aussi contre la manière dont le document laisse penser que les problèmes du Moyen-Orient seraient désormais résolus.

Ce qui importe désormais, ce n’est pas ce que dit la Stratégie de sécurité nationale, mais la manière dont elle sera appliquée. Trump affirme depuis longtemps que les États-Unis doivent se retirer du Moyen-Orient. Pourtant, chaque fois, Israël et le
"Lobby israélien"
ont trouvé un moyen d’empêcher ce retrait.

Netanyahu, qui continue d’attaquer où il veut dans la région, a dévoilé ses intentions immédiatement après la publication du document. Lors d’une conférence réunissant les ambassadeurs et chefs de mission israéliens, il a déclaré que l’entité israélienne resterait dans les zones syriennes qu’elle occupe. Par ces mots, il confirmait qu’il continuerait d’être
le point qui reste en travers de la gorge de Trump.
Tant que Trump ne parviendra pas à surmonter cet obstacle, tout ce qu’il dira restera vain.
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