Respect du calendrier électoral: Comment le Conseil constitutionnel a fait plier Macky Sall

La rédaction
19:318/03/2024, Cuma
MAJ: 8/03/2024, Cuma
Yeni Şafak
Après avoir jugé "anticonstitutionnelle" la décision du président de la République du Sénégal, Macky Sall, de reporter l'élection présidentielle prévue pour le 25 février passé, le Conseil Constitutionnel s'est également opposé à la décision du président Sall de fixer la nouvelle date des élections pour le 2 juin.
Crédit Photo : Média X / Archive
Après avoir jugé "anticonstitutionnelle" la décision du président de la République du Sénégal, Macky Sall, de reporter l'élection présidentielle prévue pour le 25 février passé, le Conseil Constitutionnel s'est également opposé à la décision du président Sall de fixer la nouvelle date des élections pour le 2 juin.

Après un bras de fer de plusieurs jours entre les trois pouvoirs de la République du Sénégal, la présidentielle aura lieu avant la fin du mandat du président Macky Sall.

Au Sénégal, l’élection présidentielle se tiendra finalement le 24 mars 2024. Elle était initialement prévue un mois plus tôt. Mais à 24 heures du début de la campagne électorale, le président Macky Sall, dans un discours prononcé à la télévision nationale, révoque le décret convoquant le corps électoral.


Dans son argumentaire, le chef de l’État sénégalais invoque un début de crise institutionnelle opposant l’Assemblée nationale au Conseil constitutionnel, avec en toile de fond la polémique sur la binationalité de certains candidats.


Le 12 janvier, les juges constitutionnels ont validé 21 candidatures sur les 93 qui ont déposé leur dossier. Entre-temps, la double nationalité franco-sénégalaise du candidat du Parti démocratique sénégalais, ancienne formation politique au pouvoir (2000-2012) est ébruitée.

Un candidat de l’opposition, en l’occurrence Thierno Alassane Sall, se saisit de la question et introduit un recours auprès du Conseil constitutionnel pour l’invalidation de la candidature du fils de l’ancien président du Sénégal.


Le 20 janvier, les sept sages laissent passer 20 candidats et déclarent la candidature de Karim Wade irrecevable. Cela a l’effet d’un tremblement de terre pour le PDS.

Pour la formation politique libérale, il n’est pas question que son candidat rate le rendez-vous du 25 février. La machine est mise en marche pour sa réintégration. Quitte à accuser deux juges constitutionnels de corruption.


Le 31 janvier, les libéraux, avec le soutien de la majorité au parlement, réussissent a installer une commission d’enquête parlementaire dans le but de faire la lumière sur cette affaire.


Profitant de la révocation du décret de convocation du corps électoral, ils introduisent une proposition de loi portant report des élections.

Le 5 février, les députés sont convoqués en plénière pour entériner, dans la soirée, au forceps, le renvoi du scrutin au 15 décembre. Des députés opposés à ce report ne perdent pas de temps pour introduire un recours au greffe du Conseil constitutionnel.


Le Conseil constitutionnel annule le report de l’élection


Dans leur décision du 15 février, les sages annulent le report, rappelant que la
"loi portant dérogations aux dispositions de l’article 31 de la Constitution adoptée sous le n°4/2024 par l’Assemblée nationale, en sa séance du 5 février est contraire à la loi".

"Le décret n°2024-106 du 3 février portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février est annulé",
ajoutent les juges qui remettent ainsi les pendules à l’heure sans pour autant déterminer une date. Ils en ont laissé la prérogative aux autorités administratives, tout en constatant que l’échéance du 25 février ne peut plus être respectée même si pour le Conseil, l’élection doit avoir lieu avant le 2 avril, date de la fin du mandat de Macky Sall.

Photo postée sur le site du Conseil constitutionnel montrant les membres de l'intitution.

Le lendemain, ce dernier prend
"acte"
de la décision du Conseil constitutionnel qui s’inscrit selon lui:

Dans le cadre des mécanismes juridictionnels normaux de la démocratie et de l’État de droit tels que consacrés par la Constitution sénégalaise.

Cela dit, le président
"entend faire pleinement exécuter la Décision du Conseil constitutionnel"
et annonce à cet effet des consultations
"nécessaires pour l’organisation de l’élection présidentielle dans les meilleurs délais".

La majeure partie des candidats à la Présidentielle, "Aar Sunu Élection" et le F24 qui regroupe des partis et mouvements de la société civile estiment que le président Sall fait dans le
"dilatoire"
et se mobilisent pour le contraindre à organiser les élections avant le 2 avril.

Le chef de l’exécutif les invite à en discuter au cours du Dialogue national ouvert le lundi 26 février, à la périphérie de Dakar.

Seize sur les 19 candidats déclinent sont invitation et saisissent l’occasion pour déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel aux fins d’avoir une date pour les élections. Pendant ce temps, le dialogue tenu sur deux jours propose à Macky Sall d’organiser les joutes électorales le 2 juin avec les mêmes candidats, avec une possibilité de réexaminer le dossier de quelques recalés.


Ils ont aussi proposé que le président en exercice reste jusqu’à l’installation de son successeur.


Dès qu’il a reçu le rapport du Dialogue national le lundi 4 mars, le président Sall saisit la haute juridiction qui rend, dans la foulée, sa deuxième décision.

Photo de la remise du rapport du dialogue postée sur la page Facebook de la présidence.

"La fixation de la date du scrutin au-delà de la durée du mandat du Président de la République en exercice est contraire à la Constitution",
indiquent les juges réaffirmant que
"seuls les 19 candidats retenus"
par leur décision en date du 20 février,
"participeront au scrutin".
Ils rappellent que
"l’article 36, alinéa 2 de la Constitution n’est pas applicable au cas où l’élection n’a pas lieu avant la fin du mandat.

Les sept sages décident de la date du scrutin


Répondant d’un autre côté aux 16 candidats, le Conseil décide de fixer la présidentielle au 31 mars, précisant que la
"présente décision emporte convocation du corps électoral au Sénégal et à l’étranger, pour le scrutin du 31 mars"
.

Les sept sages ajoutent qu’en
"cas de vacance de la fonction présidentielle, le président de l’Assemblée nationale assure la suppléance jusqu’à l’installation du président de la République qui sera élu au terme du processus électoral déjà engagé".

Macky Sall dos au mur


Ces deux décisions combinées à l’annulation du report du scrutin du 25 février sans compter la pression internationale semblent avoir mis le président Sall devant ses responsabilités.


Le lundi 5 mars, le chef de l’État renvoie son gouvernement et convoque le corps électoral pour le 24 mars. Là aussi, des craintes pesaient sur une divergence avec le Conseil constitutionnel qui, finalement dans la journée du jeudi 7 mars, décide de s’aligner sur la date de Macky Sall, précisant que la
"fixation de l’élection et la convocation du corps électoral relèvent des prérogatives légales du Président de la République".

Photo postée sur la page Facebook du président Sall

"Le conseil constitutionnel (…) n’a fait qu’exercer ces prérogatives que par substitution, en vertu de son pouvoir de régulation, afin de pallier l’inertie de l’administration et de satisfaire à l’exigence constitutionnelle de la reprise du processus électoral interrompu, en vue de la tenue du scrutin avant la fin du mandat présidentiel"
, s’explique le Conseil dans un communiqué signé par son président, Mamadou Badio Camara.

Le soir, le président prend un décret fixant le démarrage de la campagne électorale. Les Sénégalais iront cette fois aux élections.


Souleymane Fall


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