Au Pakistan, nouveau bras de fer entre l'armée et Imran Khan

15:2613/09/2024, vendredi
AFP
L'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan.
Crédit Photo : Aamir QURESHI / AFP
L'ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan.

Une nouvelle loi sur les manifestations, un bras de fer entre les autorités soutenues par l'armée et les partisans de l'ex-Premier ministre incarcéré Imran Khan, qui passe des réseaux sociaux à la rue, et des députés en détention: le Pakistan entre dans une nouvelle escalade politique, selon les experts.

"L'opposition et l'armée s'engagent de plus en plus dans l'affrontement"
, affirme à l'AFP le politologue Zahid Hussain. L'armée
"ne parvient pas à endiguer la colère et à réduire le soutien à Imran Khan",
renchérit sa collègue Ayesha Siddiqa, ajoutant que
"rien n'indique que la situation va s'améliorer"
.

En organisant dimanche un rassemblement massif à Islamabad, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), le parti de l'ex-joueur de cricket, a prouvé qu'il pouvait encore mobiliser la rue contre le gouvernement, formé après les législatives de février grâce au soutien de l'armée.


En réponse, la police et la justice ont brandi une loi tout juste adoptée encadrant les rassemblements dans la capitale. Dix députés du PTI, certains arrêtés au sein de l'Assemblée nationale, ont été placés en détention provisoire par un tribunal antiterroriste.

Ce coup de filet risque
"d'accroître la polarisation du pays"
et de
"créer une instabilité dangereuse"
, estime Zahid Hussain, dans ce pays qui est le cinquième plus peuplé au monde et déjà englué dans des crises politique et économique.

Soutien primordial de l'armée


Il y a plus d'un an, Imran Khan, 71 ans, a été incarcéré après avoir perdu le soutien, crucial au Pakistan, de l'armée, selon les experts. Ses partisans ont alors pris d'assaut des bâtiments gouvernementaux et même militaires. Malgré cela, les députés de son parti ont participé aux élections législatives de février sous l'étiquette d'indépendants, remportant le plus grand nombre de sièges. Toutefois, les partis soutenus par l'armée ont formé une coalition gouvernementale sans eux.

Depuis, Imran Khan continue de clamer son innocence depuis sa cellule, et ses partisans crient à l'injustice en ligne, tandis que lui tend la main à l'armée à plusieurs reprises. Cependant, la manifestation de dimanche a marqué un tournant, créant un fossé plus profond entre les camps. Les appels au dialogue semblent avoir échoué, et la libération d'Imran Khan s'éloigne, malgré la relaxe obtenue dans plusieurs affaires judiciaires.


"Terrorisme numérique" et contrôle des réseaux sociaux


Les autorités tentent depuis des mois de juguler les voix dissidentes en ligne, où les allégations de fraude électorale persistent. X (anciennement Twitter) est inaccessible au Pakistan depuis les élections, mais les partisans du PTI utilisent des VPN pour contourner ces restrictions.

Depuis août, l'internet tourne au ralenti, et selon les acteurs du numérique, le gouvernement teste de nouveaux moyens de surveillance en ligne. Cependant, les autorités attribuent ces ralentissements à des câbles sous-marins endommagés.


Malgré ces obstacles, note Michael Kugelman, chercheur au Wilson Center,
"il y a encore des bastions d'opposition"
en ligne, où les partisans d'Imran Khan poursuivent leur confrontation avec l'armée. Cette bataille est d'autant plus tendue qu'Imran Khan, même emprisonné, continue de diriger des critiques personnelles contre l'institution militaire.

Fin juillet, une descente dans les locaux du PTI a conduit à l'arrestation de plusieurs responsables de la communication du parti, accusés de terrorisme numérique par l'armée.

L'une des conséquences les plus visibles de cet affrontement est que d'autres défis politiques urgents sont relégués au second plan, avertit Kugelman. Dimanche, la contestation a quitté l'espace virtuel pour envahir les rues, créant une
"crise politique existentielle"
pour un gouvernement affaibli, explique le politologue Rassoul Bakch Rais.

Imran Khan le sait et continue d'affirmer qu'il ne négociera qu'avec l'armée, refusant la légitimité du gouvernement actuel. Un calcul stratégique qui pourrait porter ses fruits au Pakistan, où pour espérer accéder au pouvoir,
"il est essentiel d'entretenir au minimum une relation correcte avec l'armée
", conclut Kugelman.

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